No et moi au cinéma
Le livre de Delphine de vIgan, je ne l'ai pas lu. Je me suis néanmoins arrêtée souvent sur la couverture et ce prénom qui retient, comme l'héroïne finalement, qui attache mais reste énigmatique. No, c'est Nora, une non-personne, une personne qu'on ne voit pas, qu'on ne veut pas voir et surtout pas entendre avec sa voix rocailleuse et trop forte, la voix cassée et un peu vulgaire que l'on attribue volontiers à celles qui vivent dans la rue. Lou, une adolescente précoce, décide de faire un exposé sur cette jeune femme, s'agrippe à elle comme à une bouée et cherche à la sauver de la vie de la rue. Malgré les justes réticences de son père, malgré les absences de sa mère, malgré le bon sens et les conventions, malgré No elle-même. Car on ne sauve pas qui ne veut pas être sauvé.
De cette histoire, Zabou Breitman tire un film attachant, à l'image de ses deux héroïnes : Lou et No. Un film qui prend des adolescents livrés à eux-mêmes sur fond de crépuscule et de responsabilités bien trop lourdes pour leurs épaules encore frêles. Un film qui rappelle que ceux qui vivent dans la rue ont un sexe, un âge et une histoire, souvent chargée d'inextricables impasses. Un film habité, par elle-même en mère ravagée par la perte d'un enfant, par Julie-Marie Parmentier qui donne au rôle de nora une intensité et une densité incroyable, par la jeune fille qui joue Lou, petit bout solaire et qui joue sur la corde sensible, par son fils enfin.
On se laisse emporter par l'histoire, les acteurs, la bande-son aussi, lourde, tendue comme la voix de Beth Gibbons qui accompagne Lou à la recherche de No dans les métros de la capitale. Un petit regret cependant : le dessin animé a trouvé une petite place dans le film, ainsi que quelques saynètes autour des parents, qui retracent bien le regard encore plein d'enfance que porte Lou sur la vie. J'aurais aimé voir ce regard étendu à de plus larges espaces du film, j'aurais voulu retrouver le côté expérimental des deux premiers films de la réalisatrice : L'homme de sa vie et Se souvenir des belles choses.
Ceci dit, Zabou nous livre encotre une fois une belle fable, pleine d'humanité triste, dont il reste, longtemps après le visionnage, une empreinte mélancolique, un regard plein de compassion pour ceux qui vivent dehors, quand nous mêmes, si bien emmitouflés sur nos quais de gare, nous avons si froid.