Assassiner les arbres
En vacances, c'est bien connu, le professeur... travaille. Quand il ne corrige pas ses copies, il prépare ses cours, monte des dossiers pour des projets culturels qui verront le jour ( ou pas ) l'année suivante. Pour moi, pas de courage pour les copies en ce moment, mais l'envie de préparer mes derniers cours de l'année avec soin. Pour cela, je laisse mon esprit vagabonder, je feuillette quelques ouvrages qui font naître des idées, je note quelques mots, le hasard et la rêvrie font le reste. J'arrive ainsi assez souvent à faire des séquences de cours relativement originales, qui me ressemblent et correspondent à mes goûts et mes curiosités du moment. Or, imaginez mon dépit : pas de rêverie possible ces derniers jours, mais un vacarme difficile à supporter et une maison qui tressaute sur ses fondations à chaque chute. Imaginez que la mairie a chargé une entreprise d'abattre tous les platanes de la rue qui passe derrière chez nous. Et quand je dis "abattre", je veux dire " assassiner" car ces arbres centenaires ne sont pas malades. Non, c'est bien pire. A l'heure du tout écologique, les platanes de la rue du Réveillon, ceux qui bordent le parc de la Maison des Arts, avaient le mauvais goût de gêner le stationnement automobile... Cela fait donc deux jours que l'on remédie à ce fléau, arrachant le mal par la racine, faisant sauter mon coeur, lourd, si lourd dans ma poitrine et arrachant des cris de colère à une petite Isild désarmée : " Méchants ! Arrêtez ! Mais arrêtez, je vous dis ! On n'a pas le droit de tuer les arbres !"
Après le carnage, nous sommes allées voir d'un peu plus près les corps morts dans la rue, dont on aurait dit qu'elle appartenait à une ville en guerre. Nous y avons trouvé une voisine avec son fils de deux ans qui disait dans sa poussette " C'est moche, c'est moche". Comme lui, je vous l'écris : c'est moche d'assassiner ces vieux centenaires qui nous abritaient de leur ombre contre l'odieux spectacle du ciment et du bitume, c'est moche de retirer aux enfants et aux hommes la beauté d'une rue majestueusement plantée d'arbres anciens qui lui donnent, aux beaux jours, des allures d'allées. Oui, vous savez, des allées recouvertes par des voûtes végétales, dans laquelle le soleil fait des taches joyeuses et qui vous donnent l'impression d'avancer dans un tunnel plein de recueillement et de mystère vers quelque chose d'inconnu et d'extraordinaire.
J'aime assez l'ironie de cette photographie...
Voilà ce qu'on nous a arraché aujourd'hui : un peu d'enchantement et de magie. Mais nous aurons des places de parking. Pourquoi nous plaindre ?