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la loutre à roulettes
24 septembre 2012

la mort de l'enfant rieur

La catastrophe attend son heure, tapie, silencieuse. La catastrophe s'embusque, se fait oublier puis vous saute à la gorge avec la souplesse molle du guépard. La catastrophe m'a fondu dessus ce matin, sous la pluie, en salle des professeurs.

" Oh, tiens, Florence, tu as entendu ? Henry Bauchau est mort vendredi."

On ne peut pas trouver plus anodin. Henry Bauchau, 99 ans, s'est éteint dans la maison de Louveciennes que je n'ai fait qu'imaginer. Ma gorge s'est serrée, les murs se sont effondrés. J'étais seule et triste et orpheline. Et il fallait déjà reprendre les cours. Dehors, la pluie prenait des allures de tempête et je repensais au Déluge, que j'avais précieusement gardé pour mon séjour à la maternité avec Salomé et où j'avais découvert que sa dernière grande héroïne portait mon prénom. J'avais vu ça comme un cadeau, un lien invisible entre le grand homme et moi.

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Plus tard, la pluie s'était calmée, le vent soufflait dans mes jupes en bourrasques violentes et c'est l'Enfant rieur qui me revenait par bribes. L'enfant rieur que j'avais terminé à deux heures du matin un beau soir de décembre dernier. J'avais refermé le livre, convaincue d'avoir lu un testament. Saisie par l'angoisse, j'avais confié plus que demandé à R. : Comment pourra-t-il écrire encore après celui-ci ? Henry Bauchau renouait avec son enfance, le récit avait parfois des allures de confession, je le découvrais, le redécouvrais à travers les pages, pendant que la peur rampante gonflait mes poumons.

Il y a trois jours, Henry Bauchau est mort. Dire qu'il était mon écrivain préféré ne serait pas lui faire justice. C'était comme un mentor, comme un Père en écriture. Ses mots me charmaient et m'apaisaient tour à tour. J'étais béate d'admiration face à son écriture limpide, profonde, cette plume d'ascèse qui savait dire l'essentiel.

Ce grand enfant rieur s'est éteint il y a trois jours. J'aimerais m'assoir sous le grand cèdre où il passait quelques minutes chaque matin et recueillir un peu de rien qui passe et qu'on appelle la vie.

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Commentaires
B
Oh florence, mon cœur se serre...<br /> <br /> On a tous des guides au travers des livres. Je me rappelle avoir noué un Lien tres fort avec certains auteurs lors de mes etudes, surtout zn hypokhagne. Je crois que pour moi le sentiment d'abandon viendrait avec la mort de william trevor. J'aimerais lire un des livres de bauchau, tu me conseillerais lequel pour commencer ? <br /> <br /> À bientôt
M
Coucou, puisque je pense ne pas avoir lu ce Monsieur, je vais chercher "l'enfant rieur", merci Flo.
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