Dans le caverne du temps

La période qui vient de s'achever s'est ouverte par le Songe d'une nuit d'été au théâtre de la porte Saint Martin, un beau moment de théâtre partagé avec Isild. Elle s'achèvera sans doute ce vendredi par Alice au pays des Merveilles, un autre beau moment de théâtre et de chant lyrique partagé avec ma grande fille.

Puis la caverne du temps a refermé ses parois sur moi, comme Cronos ses mâchoires sur ses enfants. La nuit a envahi peu à peu les matins et les après-midi et c'est comme si j'avais été plongée dans cette nuit d'encre jusqu'à ces derniers jours. Je redoute toujours l'hiver pour cela : le manque de lumière qui se fait de plus en plus cruel au fur et à mesure que les mois passent. Peu à peu, les illuminations se sont installées sur la ville, donnant aux rues cet air de fête qu'attendent les enfants et à l'Hôtel de Ville une ressemblance avec un chateau de conte de fées. Il y a eu Before your very eyes à la Villette, Six Personnages en quête d'auteur à Combs la Ville et Juste la fin du monde à l'Etoile du Nord avec les permières L. Et à chaque fois, j'aurais aimé écrire quelque chose, même deux ou trois mots sur ces spectacles et la joie que ça peut être d'enseigner.

Une odeur de vin chaud s'est mélangée à celle des churros. De petits châlets aux faux airs alsaciens se sont installés dans les rues; j'ai conté Hansel et Gretel. Les filles ont fait des tours de manège, ravies, et leurs joues se sont couvertes de sucre.

Il y a eu des bagarres et des tensions au lycée, qui n'ont fait que grandir, comme le nombre effrayant de réunions, conseils pédagogiques, conseils de classes, remises de bulletins. Il y a eu cet élève qui m'a lancé une boule de neige à toute force dans l'épaule et qui, au lieu de s'excuser, m'a dit que je lui cassais les couilles dès le matin. Il y a eu ce collègue qui s'est fait légèrement étrangler dans un couloir. Il y a eu cet élève que je trouvais raisonnable qui a hurlé qu'il pèterait la gueule d'une jeune fille en béquilles si elle parlait à sa soeur. La nuit est tombée vers 17h. Un élève est tombé sur mon poignet, signant le retour du bras bionique. Une collègue a été hospitalisée, une autre a fait un malaise cardiaque. J'ai plongé dans la nuit ; j'ai conté la Princesse au petit pois, rêvant moi aussi à ces innombrables matelas qui m'isoleraient peut-être enfin des violences du monde. Mais le lendemain, il fallait se renfoncer dans la nuit.

Il y a eu les petites danseuses et les compliments de Virginie à Isild, et Salomé, si sage à mes pieds, qui s'appliquait à faire elle aussi les exercices. Plus que deux ans, mon ange, plus que deux ans. Sur la nuit s'est ouvert une fenêtre de grâce et j'ai regardé des danseurs sur l'ordinateur se déplacer comme sur un fil, comme si ça me donnerait à moi aussi assez de grâce pour atteindre le samedi des vacances. Et puis, la nuit a repris ses droits et s'est refermée sur moi un peu avant ce samedi là.

Dimanche, nous avons fait route, cap au Sud. Je me suis retrouvée seule à seule avec Toulouse, j'ai aspiré le soleil de ce là-bas que je voudrais toujours tellement être mon ici par tous les pores de la peau. J'ai respiré, un peu. Je crois que, même si c'est difficile, je retrouve la lumière.

Comments

[Ladylaeti]

Et moi qui me plains avec mes douleurs et mon hypocondrie qui me bouffe... Quelle souffrance, quelle courage d'affronter tout ça sans ciller...Je suis admirative... comment fais tu? Comment fais tu pour supporter tout cela et profiter des instants magiques qui te sont offerts malgré tout? Si tu as des astuces, je suis preneuse.. En tout cas, je suis de tout coeur avec toi. Ton châle me réchauffe souvent, le livre est dans ma bibliothèque, prêt à être dégainer au moindre besoin et le père noël m'a apporté la version DVD que j'avais bien aimé...

De gros bisous, et plein de belles et bonnes choses pour cette année 2013 qui s'annonce...