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la loutre à roulettes
1 novembre 2013

Danse noire de Nancy Huston

J'avais hésité à m'acheter ce roman. Dès que je vois un nouveau roman de Nancy Huston, c'est pavlovien, je dégaîne mon porte-monnaie. Mais il y avait cette petite voix dans ma tête qui me disait d'être raisonnable, que les étagères à la maison sont déjà bien pleines, que les livres d'histoire des arts commencent eux aussi à pulluler, qu'il faut au moins savoir attendre la version de poche...

Danse-noire

Et puis, j'avais lu la quatrième de couverture et bon, une histoire de tournage de cinéma, juste après avoir Il faut beaucoup aimer les hommes de Marie Darrieusseq ( plutôt sympa aussi ), ça ne me disait rien.

J'ai donc laissé les choses reposer un peu plus et j'ai eu la surprise de trouver l'ouvrage dans ma super petite bibliothèque de Brunoy. Emprunt. Appréhension. Et satisfaction immédiate : je me glisse toujours entre les pages de Nancy Houston comme si j'y étais chez moi. Son talent narratif est tel qu'on est emportés immédiatement vers des horizons divers. 

L'histoire est simple : on suit trois voix narratives différentes, trois personnages appartenant à une même famille. On suit Milo, écrivain contemporain de scénarii pour le cinéma, son grand-père Neil, jeune Irelandais nationaliste du début du siècle et Awinita, la prostituée indienne qui a accouché de Milo. Les voix se mêlent, s'entremêlent, se répondent au rythme de la Capoeira, mi-danse, mi-art martial du Brésil, pays du narrateur des sections centrées sur Milo, à savoir le réalisateur du futur film et amant de Milo. Je ne vous ai pas perdus ? J'espère que non, parce que dans le roman, c'est finalement très simple. Je retrouve dans cette phrase, l'art du romancier chez Nancy Houston :" Eugénio a réussi ce miracle : coudre ensemble en un beau patchwork les morceaux disparates de ta vie", elle qui sait entremêler mieux que quiconque les histoires les plus éloignées. J'y ai retrouvé beaucoup de deux romans précédents de l'écrivain : Lignes de faille et Une Adoration.

Alors quelles nouveautés ? Tout d'abord, Nancy Houston exerce son style et adopte une écriture véritablement cinématographique, elliptique, qui lui donne une très grande liberté dans la narration. Ensuite, et c'est ce qui m'a complètement séduite, moi qui suis cette écrivain depuis plus de dix ans, c'est qu'elle mêle anglais, français et français canadien, restituant des accents vraiment réjouissants. C'est au point que je lisais certains passages à haute voix pour mieux jouir de cet effet polyphonique qui découle de l'écriture cinématographique dont je vous disais deux mots tout à l'heure. La dernière nouveauté, qui n'en est pas vraiment une, mais qui reste un de mes grands plaisirs de lectrice, c'est que la dernière intervention du narrateur dans la section Milo est surprenante. J'avais bien compris qu'il y avait un mort, mais je n'avais pas compris lequel. C'est que la capoeira, danse noire, danse de résistance, est pleine de "malicia". 

En ces durs temps de conformisme mêlé de grogne sociale, un très beau livre qui réunit intelligemment les résistants de ce monde : " Capoeiras used to be Black kids who picked fights. It was always about delinquency and disorder, rebellion and resistance. [...] For dem de dance was a weapon, man ! For dem it was a language."

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