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la loutre à roulettes
20 juillet 2010

Ce que Nancy Huston cherche derrière le rouge

Ah ! Un nouveau Nancy Huston en librairie ! C'est incroyable, mais mes écrivains préférés ( en gros, l'écurie Actes Sud ) ont décidé de sortir un nouveau roman chacun en cette fin d'année scolaire... Evidemment, je 100_3643suis aux anges devant Infrarouge : le voyage râté d'une photographe avec son père et sa belle-mère à Florence, nous dit la couverture. Déduction logique : on va me parler d'art et de l'une des villes que j'aime le plus au monde. Connaissant Nancy Huston, je sais bien que tout cela n'est que prétexte à disséquer la famille, ses rouages violents ou tendres, et je ne me trompe pas.

Alors, j'avoue que j'ai mis une petite dizaine de pages à me sentir à l'aise dans ce nouvel univers : peur d'être déçue par un écrivain que j'admire, sentiment d'être perdue dans ses nouvelles expérimentations stylistiques, gêne d'être confrontée au sexe peint avec des mots crus.  Car Nancy Huston, ou plutôt sa narratrice, nous parle de sexe au féminin, de plaisir, de désir. Au début, je me sens un peu voyeuse, un peu décontenancée face à cette femme qui prend si joyeusement en bouche l'homme. Puis, à mesure que je prends conscience qu'est écrit là un roman féministe qui donne à la femme le rôle actif dans la relation, sans en faire une prédatrice ou une traînée, l'intérêt naît et de l'intérêt jaillit l'enthousiasme. " Oui : si les hommes depuis la nuit des temps ont tripoté trituré sculpté filmé peint photographié le corps de la femme sous toutes les coutures, l'ont scruté imaginé projeté fantasmé voilé dévoilé caché révélé travaillé décoré et banni, c'est que tout tourne autour de ça de ça de ça : de ce vortex d'où sortent tant les garçons que les filles, cette ouverture qui figure... non la castration, comme l'a prétendu Freud, quelle idée, mais le néant d'avant et d'après l'être."

C'est très courageux d'écrire un tel roman dans notre société bien pensante, un roman qui dit que "s'il fallait renoncer à toutes les activités auxquelles on a été initiés dans la douleur, on ne ferait plus rien", un roman qui ne juge pas, mais expose. En fait, je n'avais pas trouvé cela depuis le très controversé King kong théorie de Virginie Despentes !

L'un des grands charmes de l'analyse chez Nancy Huston, c'est la fluidité de sa plume, ici due en grande partie au dialogue de la narratrice avec son double imaginaire, Subra. Une narratrice qui biaise, ment, cherche des détours et qui est impitoyablement ( et cocassement) replacée sur la voie de la vérité : " Tu ne sais pas où est enterré ton premier mari ? s'étonne Subra. D'accord, je le sais. Il est au cimetière de Montreuil."

Enfin, j'ai dit plus ou moins adieu à Florence ( quoique...), mais j'ai été séduite par ce roman placé sous l'égide de deux grands photographes : Araki et surtout Diane Arbus qui donne son nom au double de la narratrice, photographe de son état, Subra. Diane Arbus dont il faut que je découvre le travail, la vie, la sensibilité... Vite ! Et, heureuse coïncidence : monsieur Castor a rapporté Fur, un film inspiré par la carrière de la photographe.

Pour résumer mes impressions sur ce nouveau roman, je dirais que Nancy Huston nous parle du rouge, de ce qui saigne, de ce qui fait mal, de ce qui est beau et douloureux. Mais derrière ce rouge, derrière la souffrance, elle trouve la passion, ce qui nous rend fragiles et beaux...  juste humains.

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Commentaires
M
Je ne sais plus par quels méandres je suis arrivée sur votre blog : j'ai aimé le lire. <br /> Et si je me permets de vous laisser un message, c'est à propos de votre "critique" du livre de Nancy Huston (que j'aime énormément) que je viens de lire pendant les vacances. J'avoue que j'ai eu du mal à le lire, je n'étais pas choquée, mais gênée quand même, par la crudité du vocabulaire et des situations. J'essayais de m'imaginer dans ces relations et je n'y parvenais absolument pas. Et voilà que ce que vous dites du livre me permet de revisiter différemment ce que j'ai lu. Je voulais vous en remercier.<br /> Cordialement. Martine
L
j'aime ce que vous écrivez comme vous l'écrivez. Vous m'avez donné envie de me remettre à la lecture. Merci
la loutre à roulettes
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