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la loutre à roulettes
2 juillet 2012

un petit échaffaudage d'homme

" Un petit échaffaudage d'homme", l'expression est d'Anouilh, dans sa Médée. Elle m'a plu dès la première lecture, il y a trois semaines de cela. Je ne pensais pas alors l'employer si vite et à si juste titre. Samedi dernier, ma grand-mère est morte. Nous n'étions pas proches et pourtant ça a été un coup de massue. Elle avait 88 ans et pourtant ça nous a paru incroyable cette nouvelle de sa mort. Nous étions tous tellement persuadés,dans la famille, qu'elle atteindrait les 100 ans, ceux effleurés par sa propre mère, Marie, morte à 98 ans. Je me souvenais de mes amies devant faire le deuil compliqué de relations pleines d'amour, de tendresse et de complicité. Je ne pouvais pas me baser sur leur exemple. Je me sentais vide, étrangement vide. Vidée. J'ai passé deux jours un peu en somnambule puis j'ai pris un train pour une bourgade de Dordogne, qui meurt peu à peu au bord de la rivière. Dans le train, trop de bruit pour dissséquer mes sentiments. J'avais hâte d'être auprès de ma mère. Ensuite, il y a le masque de la mort au funérarium, l'enterrement par 40°, la peur que l'une de ces vieilles personnes sous le barnum ne tombe sous les rayons dardants du soleil, l'indélicatesse de certains membres de la famille et le morceau de Fauré, choisi par maman qui faisait venir des larmes sans y penser. Pendant qu'on mettait le cercueil dans le caveau familial, on m'a entrepris au sujet de ma carrière, j'ai répondu très vite. J'aurais voulu du silence, ou des conversations moins ordinaires : la conscience que c'était quelqu'un qu'on mettait en terre, que la situation requerrait, c'est si rare dans nos vies, un peu de silence et de respect.

100_7605photo d'une photo prise par la Belette le jour de mon mariage

Il y a eu des étreintes et des regards et des conversations, il y a eu une étrange communion de femmes autour de cette mort, qui m'a fait du bien. Il y a eu les vieilles photos, les vieux albums, les annecdotes qui éclairent mieux le personnage énigmatique qu'était ma grand-mère, Jeannette, pas Jeanne, dont les silences étaient redoutables. A écouter les anciens et moins anciens parler, j'ai eu l'impression de savoir un peu mieux de quelle famille je venais. Je les regardais tous, ces gens que pour la plupart je ne connaissais pas, que je ne connaissais plus et je me disais : "Voilà ta famille". Et ça avait quelque chose de chaud et de réconfortant de se sentir appartenir à cette lignée, cette lignée de femmes fortes et moins fortes, mais une lignée de femmes. Je n'étais pas triste, je n'avais aucune colère en moi : nous nous étions manquées ma grand-mère et moi, comme elle avait manqué à d'autres. C'étaient son caractère et l'époque aussi, qui avaient voulu qu'elle n'arrive pas à exprimer facilement ses sentiments. Je me sentais finalement reconnaissante de l'avoir vue si tendre avec Isild. Un peu plus tard, toutes ces impressions mélangées furent confirmées par mon amie la Belette qui me dit n'avoir jamais rencontré, avant ma grand-mère, une femme de cette génération qui ait mené une "vie moderne". J'ai su que c'était ça qu'il était juste de dire : Jeannette était un tout petit bout de femme d'à peine trente kilos, qui a mené sa vie en se tenant bien droite, une vie d'institutrice de village, sans se laisser aller à trop de dépendance ( elle se mit vraiment à conduire à la mort de mon grand-père vers 70 ans ! ). Une vie moderne .

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Commentaires
L
Très joli texte... un bel hommage pour ta grand mère...<br /> <br /> Des bisous
la loutre à roulettes
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