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la loutre à roulettes
18 mars 2011

De François Bégaudeau et de Catherine Henri

Quand il a pris ma dernière commande pour l'encaisser, mon libraire a lu " Cela se passe dans un lycée". Il a levé les yeux sur moi, puis vers le ciel, puis les a rebaissés sur moi et s'est moqué : " Eh bien, ça va vous changer." Je lui ai répondu oui avec le même sourire en coin que lui, parce qu'effectivement, contre toute attente, je savais que Libres Coursde Catherine Henri allait me changer, comme De Marivaux et du loft l'année de mon stage.

Il y a des profs qui écrivent sur leurs établissements et sur leurs pratiques. François Bégaudeau en est ( était ? ) un, Catherine Henri un autre, d'un autre type. Vous comprendrez tout de suite à qui va ma préférence. Il faut dire qu'avec François, on a très mal commencé notre relation puisqu'elle a été fondée sur plusieurs mensonges et donc plusieurs malentendus. J'ai acheté Entre les murs après un remplacement AVT_Francois_Begaudeau_1423dans une banlieue grise, dans une classe de quatrièmes qui avaient signé un contrat avec l'établissement : ils ne passeraient jamais le brevet. L'un d'entre eux, psychotique, ne prenait plus ses cachets et avait décompensé dans mon cours. Aristote écrivait son prénom " Arystot" sur ses copies, parce que ça faisait mieux et aussi parce qu'il n'avait pas idée de qui était le philosophe. Inutile de vous dire que j'étais désemparée. Dernière anecdote : les sixièmes trampolines ne savaient ni lire ni écrire. On les trampolinait je ne sais trop où. J'ai été et suis toujours écoeurée par la cruauté de ces appellations qui couvrent d'un voile pudique la réalité de notre incompétence ou des nos limites : la sixième trampoline... Bref, Entre les murs était présenté comme le chef d'oeuvre d'un machiavel de l'éducation, doublé d'un fin stylisticien qui maniait la langue française comme Rabelais. Vous aurez compris que j'avais bien besoin des coups de pouce du machiavel de l'éducation. Or, point de recette qui marche entre les pages, mais une description plus ou moins ressemblante de ce que je vivais. A un détail près, un détail qui compte : ce type là insultait ses élèves, ce type là méprisait ses collègues ( ah ! pauvre collègue juive qui est raillée dans ce bouquin ), ce type là rejetait enseignants et adolescents dos à dos, dans un seul et même souci : celui de sa petite personne. Quant à Rabelais, l'enfant en moi se régale encore du concours de torche-culs de Gargantua... Seconde déception : la langue tant vantée est une retranscription assez fidèle de ce que l'on entend dans une salle de classe... Conclusion : soit tous nos élèves sont des Rabelais en puissance, soit Rabelais reste Rabelais et petit Bégaudeau cirera encore longtemps les chaussures du grand homme...

Alors, quand j'ai repris un Catherine Henri entre mes mains, j'ai su que je trouverais là ce qui m'avait manqué chez François. Pas de machiavel de l'éducation ici non plus... Mais est-ce un mal ? J'ai un peu roulé ma bosse de professeur depuis et je recherche moins de recettes. Mais je suis avide d'expériences positives et Catherine n'est pas avare de bons moments et de bons mots, qui passent, avec assurance etaut_henri_catherine discrétion, sous nos yeux. Rien de tonitruant ici, rien qui fera la une des médias. Un quotidien à partager, beaucoup d'amour et de respect pour les élèves, beaucoup d'humilité. Catherine Henri ne se montre pas, elle s'efface au profit de lignes éclairantes sur La Princesse de Clèves ou Les Fées, de l'enthousiasme des élèves face à une utilisation judicieuse de La Prose du Transsybérien, des interrogations suscitées par la détresse d'un seul au moment de lire Nicolas Bouvier. On ressort de là avec des idées de cours qui fleurissent dans la tête, des envies de lire ou de relire les grands et moins grands classiques... Galvanisés d'avoir été, le temps d'un livre, l'élève d'une femme qui, si elle n'est pas Rabelais, ne me semble pas moins un professeur exemplaire.

Merci P.O.L !

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Commentaires
L
et paf, une autre référence à découvrir grâce à toi ; merci :D
M
comment ne pas connaître Bégaudeau, sans l'avoir jamais lu ? <br /> et comment connaître Catherine Henri, puisque tu es la première que je vois en parler ?
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