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la loutre à roulettes
20 octobre 2012

dans la compagnie des spectres

Depuis que j'ai lu le message de cette mère d'élève, ça ne cesse de me tourner dans la tête. Je vis avec les spectres de cette mère et de sa fille, avec les mots sur le carnet de liaison, avec l'hostilité très fortement déclarée. Depuis que j'enseigne, c'est la première fois que j'ai un parent aussi en colère sur le papier. C'est la première fois que je rencontre autant d'opposition chez une élève aussi. Et je ne comprends pas... Et ça assombrit mon week-end. Parce que je pense que la situation est bloquée... La déprime a redoublé quand cet après-midi, j'ai entendu une conversation de parents, cigarette à la bouche et claque facile pour leurs enfants qui tournaient autour d'eux, qui déclaraient que les profs étaient un ramassis de co... qui croient avoir toujours raison. Et puis, un petit sourire quand même en les entendant déclarer que non, ils ne font pas partie des parents d'élèves, ces co... qui s'entendent avec les maîtresses, des sa..., et qui ne représentent pas les gens comme eux. L'envie d'être la petite voix qui leur dise : vos enfants sont des élèves, donc vous êtes des parents d'élèves. Ils n'auraient sans doute pas compris.

Pourtant, j'avais prévu un post sur les enchantements du professorat, si, si. Outre un cours de vocabulaire génial ( oui, on fait du vocabulaire en première et oui, ça peut vraiment être un moment très agréable pour tout le monde ) cette semaine, j'ai emmené hier soir quelques élèves au théâtre avec moi. Nous allions voir La Compagnie des spectres, profitant d'une réduction premiers ux premières. J'adore le travail de Zabou Breitman, j'avançais donc en toute confiance... Pourtant, ma journée de travail avait commencé à 8h30 et s'était poursuivie jusque là sans discontinuer, mis à part une pause déjeuner d'une demie-heure. J'étais lessivée, la migraine menaçait fortement... Mais les élèves étaient heureuses de cette sortie, le rer à l'heure, le théâtre petit mais chaleureux. Avant que la séance ne commence, nous avons écouté des jeunes étudiantes en art dramatique assises devant nous, manteau Claudie Pierlot d'inspiration japonisante et bérêt de laine sur le côté du chef, discuter la bouche pleine de barquettes de Lu de ces étudiants en art dramatique qui se la jouent hippie et que ça, c'est vraiment minable, tu vois. Puis disserter avec passion des représentations qu'elles avaient vues. Inconscientes, elles étaient, d'être une représentation en elles-mêmes dont nous nous délections, mes élèves et moi. Une petite intervention sur le thème la vie c'est plus agréable sans portable et le rideau s'est levé sur un intérieur kitshissime, dans lequel une femme en peignoir bleu avec un masque sur la tête regardait Questions pour un Champion à la télévision. La femme s'est mise à bouger et d'un coup sec, le masque a été aspiré vers le sol, dans un claquement qui nous a tous fait sursauter.

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Et là... Une heure trente de bonheur, d'émotions et d'étonnement. Zabou Breitman fait vivre à elle seule son personnage, la mère de celle-ci, sa grand-mère, l'huissier, des gens au bar, et même le fameux Maréchal Putain incarné dans une étrange marionnette... Il ya eu, comme bien souvent chez Breitman, un passage dansé drôlatique. Il y a eu cet art consommé de suggérer par un infime changement dans la posture un nouveau personnage, un changement d'humeur. Il y a eu ce jeu, plein de grâce et de naturel, avec un public qu'elle fait entrer dans le jeu avec elle, un public aimé et aimant.

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Et puis, il y a eu surtout le coup de coeur pour le texte de Lydie Salvayre, cette langue ornée, très écrite, qui joue sur les registres de langue et les émotions, toujours sur le fil du rasoir. Cette adaptation virtuose qui demandait un engagement total de la comédienne ! J'ai passé un excellent moment dans le petit théâtre cramoisi. Je n'ai pas été la seule. Et c'était bon de pouvoir partager un moment pareil avec mes petites élèves.

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Dans le rer du retour, épuisée, je n'ai plus cherché à faire la conversation, je me suis laissée aller au bercement du rail, écoutant dans un sourire leurs conversations, ces préoccupations adolescentes dont je me suis éloignée mais que je considère toujours avec une bienveillante émotion. "Bonne soirée, madame. Et à demain ! ", m'ont-elles dit dans un dernier sourire. Dans la nuit qui m'emportait, je trouvais que c'était beau et exaltant d'être professeur.

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Commentaires
A
Heureusement qu'ils y a ses bons moments partages avec les eleves qui montrent bien que: si, si (!) ca vaut le coup de se donner tout se mal, meme si ils y a parfois des episodes deprimants !<br /> <br /> Ah oui, tout mimi le defi Rykiel !
S
Comme je suis exactement du genre à me prendre la tête tout le week-end quand ça s'est mal passé avec un des collégiens ou quand je sens qu'un parent ne me fait pas confiance, je te comprends mille fois. En tout cas, tu me donnes vraiment envie de voir Zabou Breitman au théâtre. Moi j'aimerais emmener mes 4e-3e voir "Inconnu à cette adresse" cette année, j'avais à peu près leur âge quand je l'ai vu pour la première fois et je me souviens comme j'avais aimé... j'ai envie de leur montrer que non, le théâtre c'est pas "chiant" ;-)
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