le conflit _ la femme et la mère
Il y a un essai que j'avais hâte de lire, mais la bibliothèque ne voulait pas l'acheter et je n'étais pas sûre du tout de ce que j'allais y trouver, aussi ai-je attendu qu'il sorte en poche. Ce livre est Le Conflit... de Badinter, qui a fait couler beaucoup d'encre et au nom duquel j'ai eu à subir de multiples remarques lorsque j'allaitais Salomé : l'allaitement était égoïte car je privais mon Castor du bonheur de donner à manger à l'enfant ( il s'est bien ratrappé depuis et je suis presque sûre qu'en ce moment, il aimerait bien que je recommence pour pouvoir dormir ), l'allaitement était anti-féministe, l'allaitement était quasi criminel puisque Salomé avait des régurgitations que je ne pouvais soigner par un lait épaissi... Quant à moi, eh bien, j'étais une abominable exhibitionniste ( y compris quand je faisais la têtée planquée dans la voiture avec un foulard par dessus le sein que je ne voulais pas montrer ). Bref, connaissant un peu Mme Badinter, j'étais très étonnée que tant d'extrêmistes se réclament de son livre. Je l'ai donc lu récemment et grand bien m'en a pris puisque cet essai est opposé aux extrêmismes.
Mme Badinter ne s'en prend pas aux mères allaitantes, mais trace un petit historique édifiant et terrifiant de la Leche League et de la manière dont l'association s'est développée. Pourquoi ? Parce qu'un nouveau type de discours culpabilisant et paralysant a vu le jour dans les années 1970 : le discours écologiste. Je vous vois grimacer devant les écrans. Oui, le discours écologiste, c'est bien. Mais lorsqu'il devient terroriste, ce discours est dangereux et c'est contre ces dangers que l'auteur s'élève : au nom de l'écologie se met en place un nouvel esclavage des femmes qui, tout en travaillant, lavent les couches, préparent des petits pots bio, se retrouvent paralysées par la peur des composantes nocives dans les aliments et les plastiques et qui, pour les éviter, se contraignent à des préparations de plus en plus longues. Cela, ça ne me choque pas : c'est bien le choix de chacun(e). Par contre, le point avec lequel je suis en accord avec Mme Badinter est le suivant : beaucoup de femmes reviennent au foyer ou prennent des temps partiels pour caresser du bout du doigt l'idéal de la bonne mère écologiste et hyper attentive à son enfant qu'elles cherchent à être. Là encore, choix de chacun mais pourquoi les pères ne vont-ils pas au foyer ? Je peux vous dire que quand mon Castor a pris le congé parental, nous nous sommes retrouvés confrontés aux préjugés : j'étais une mère dénaturée puisque je ne le prenais pas ; lui était forcément un papa poule qui me privait du rôle qui m'était normalement dévolu. Pire : il n'est pas prévu, dans l'éducation nationale, que le père prenne ce congé : mon Castor n'a donc plus de sécurité sociale. Il a dû se battre avec la CAF pour que l'allocation qu'il devait toucher ne me soit pas versée car, normalement, c'est la mère qui prend le congé. Et partout ailleurs, c'est la même chose : Pour avoir Salomé sur sa carte vitale, il faut que je signe un papier disant que j'abandonne mes droits sur mon enfant ! Les deux parents ne peuvent pas avoir leurs deux enfants sur leur carte. Pourquoi ? Pourquoi est-ce automatiquement la mère qui est choisie ? Si vous voyez mon pauvre Castor quand il lit Parents magazine, il écume de rage ! Et de me citer les nombreux passages où l'on conseille à la mère de faire jouer un rôle plus actif à son conjoint... Mon Castor est sensible et son petit coeur de Sauvagin saigne régulièrement de ne pas se voir reconnu. Mais je m'égare...
Autre point très positif de ce livre: son humour. Et sa conclusion sur l'exception française : la Française fait plus d'enfants car, depuis le XVIIIème siècle, la Française a pris l'habitude de n'en faire qu'à sa tête. Ainsi, allaitante ou pas, pourvue de toute une marmaille ou refusant d'avoir un enfant, la femme française, n'en faisant qu'à sa tête, se montre femme de tête. Et ça me plait !